Rapport d’étude en Afrique Centrale

1 – Nature et implications des héritages coloniaux pour la politique sociale dans les pays étudiés

Après les indépendances, les nouveaux Etats étaient soucieux de rompre radicalement avec les conditions de travail dégradant de la période coloniale. En plus de fournir le travail décent à la population, il était aussi question de lutter efficacement contre le chômage de masse. En effet, les premiers modèles de sécurité sociale dans les pays étudiés se basent sur le modèle salarial. Il s’agit de fournir des prestations sociales uniquement à une franche de la population capable de cotiser dans les caisses de prévoyance sociale. Même en situation de crise multiforme, les prestations sociales ne se sont pas réajustées pour toucher le plus grand nombre.

2 – Idéologies, normes et valeurs clés de la politique sociale dans les pays étudiés

L’entreprise coloniale, tant tôt perçu par certain comme une exploitation, par d’autre comme une mise en valeur, a posé en son temps plusieurs problèmes dont l’un des plus complexe a été assurément celui du travail et de la main d’œuvre. Il faut dire que l’exploitation des ressources naturelles des pays colonisés était conditionnée par l’abondance d’une main d’œuvre prête à travailler dans n’importe quelle condition. En effet, l’exploitation des pays étudiés fut entreprise par les colons français et anglais et belges qui y débarquaient avec les capitaux, la technique, quelques outils et une ferme volonté de faire fortune rapidement. Ils n’amenèrent aucun contingent de main d’œuvre. D’ailleurs, un complexe de supériorité manifeste couplé à un préjugé précis voulaient que l’européen ne puisse pas se livrer sous les tropiques à un travail pénible. Dans ce cas, il devait donc compter sur le concours des indigènes pour réaliser ses rêves. L’un des défis difficile à réaliser pour le colonat fut celui de disposer d’une main d’œuvre en quantité suffisante et de bonne qualité.

Au fur et à mesure que les activités prospéraient, le colonat s’attela à organiser le travail. On a assisté à une succession de texte juridique dont l’application ne sera pas toujours effective. Il faut signaler qu’avant la deuxième Guerre mondiale, le secteur du travail dans les pays étudiés n’avait pas de base juridique. Dans ce contexte, les cahiers de charge des entreprises tenaient lieu de code de travail. En 1946, la loi Houphouët[1] entraina la suppression tout au moins théorique du travail forcé dans les territoires d’ouvre mer. Mais sur le champ du travail, la main d’œuvre indigène est abandonnée au bon plaisir de l’employeur. Dans les territoires français, une nouvelle règlementation qui viendra corriger cette situation fut le décret portant code du travail indigène promulgué en 1952. Mais ce code qui apporta incontestablement des améliorations dans les conditions de travail des indigènes mais  ne parvient pas abolir le règne de la loi du plus fort. Car, jusqu’en 1960, certaines de ses dispositions parmi les plus importantes étaient encore ignorées par les employeurs et l’administration coloniale.

Après les indépendances, les populations des pays étudiés sont enfin libérées de l’exploitation dont elles faisaient l’objet. Non seulement elles sont libérées des travaux forcés, mais elles doivent aussi travailler pour leur propre intérêt. Ce nouvel état d’esprit pousse les différents des pays étudiés à promulguer des codes de travail quelques années après l’indépendance. Le travail forcé est remplacé par le travail décent, humanisant. Cependant, l’accès au travail décent devient un véritable problème sur dans un contexte de croissance démographique. La persistance de la crise économie a davantage durci l’accès au travail et démocratisé le marché de l’emploi à travers le secteur informel.

3 – Modèles et tendances comparatifs de la politique sociale dans les pays étudiés

La politique de l’emploi et du travail dans les colonies était très discriminatoire. Les emplois de commandement dans l’administration publique et dans le secteur privé n’étaient réservés qu’aux expatriés. Les indigènes devraient se contenter d’exécuter les tâches secondaires. La rémunération, par rapport à celles des expatriées était sans commune mesure. En effet, des salaires dérisoires et insuffisants pour nouer les deux bouts du mois étaient la rétribution des autochtones. Le droit à la grève, aux associations étaient systématiquement bafoués. Quant à la politique sociale de logement, elle était pratiquement abandonnée aux entreprises qui devraient s’en occuper selon leur guise. Les meilleures conditions de logement étaient réservées aux colons tandis que les cabanes, sans confort, étaient des amas des briques érigées pour héberger les tout travaux. Après les indépendances, malgré l’embonpoint économique qui caractérise les deux premières décennies, les Etats étudiés n’accordent que très peu d’attention à ces secteurs.

4 – La politique de la politique sociale dans les pays étudiés à travers le temps

Selon Deschamps (1952), « la question du travail a toujours été une difficulté majeure pour la mise en valeur des tropicaux ». Il faut dire que l’exploitation des ressources naturelles des pays étudiés était conditionnée par l’abondance d’une main d’œuvre prête à travailler dans n’importe quelle condition. Le problème quantitatif se posa immédiatement lorsqu’il fut question d’arracher les indigènes de leurs occupation traditionnelles pour l’introduire dans un nouveau système économique fondé à ses débuts et à 90% sur l’agriculture commerciale, les activités semi-agricoles (telles exploitation forestière) et préindustrielles (telles l’exploitation minière). Il s’est agi là des activités qui par leur nature n’exigeaient pas de qualification autre que physique mais étaient grosse consommatrice de main d’œuvre. Pour y parvenir, les colons usent d’une subtilité pour introduire le travail rémunéré. Mais, devant les faits, pour être honnête, il s’agissait au mieux d’une tromperie, au pire d’un travail forcé sans qu’aucun salaire ne soit effectivement servi à la fin. Comme cela ne suffisait pas, il fallait produire beaucoup, toujours plus que d’habitude, des denrées qui n’avaient rien à voir, ni de près, ni de loi avec ses intérêts, son alimentation, ses habitudes et ses besoins traditionnels. Ainsi, les populations autochtones se trouvent donc désorientées de leur conception communautaire du travail au profit d’une conception individuelle pour un profit individuel. Quant à la qualité, la main d’œuvre locale était étrangère aux outils, aux techniques et aux méthodes de travail venant de l’occident. Pour pallier à cette difficulté, les formations techniques et professionnelles furent une solution largement préconisée.

Au fur et à mesure que les activités prospéraient, le colonat s’attela à organiser le travail. Les entreprises coloniales et l’administration elle-même se sont livrées communément à un pillage systématique du capital humain camerounais sans souci d’ordre ni de règle. Certes, il y eu plusieurs règlementations allant dans le sens de l’amélioration des conditions de travail des indigènes. Cependant, dans la pratique, souligne Kaptué (1986), nombre des dispositions règlementaires sont restée lettre morte. Les travailleurs indigènes étaient toujours livrés à l’arbitraire, au travail forcé organisé par l’administration coloniale. On dirait que ces dispositions règlementaires étaient des gadgets destinés à satisfaire les organisations internationales : toute chose qui contrastait profondément avec les faits.

Après les indépendances, les dysfonctionnements des économies des pays étudiés ont entrainés le développement du secteur informel. Il s’agit du segment qui abrité la grande partie de la population, dont les conditions de travail sont moins décentes. Depuis quelques décennies on a assisté à d’innombrables programmes projets et reforme politiques portant sur le secteur informel dans le cadre la lutte contre la pauvreté et le chômage. Malgré cette attention dont on peut se réjouir, de nombreux planificateurs ont transformé ce soutien en instrument électoraliste et de clientélisme politique. Les entrepreneurs politiques utilisent ce soutien comme monnaie d’échange dans un accord tacite : allègement fiscal, liberté d’occupation de la voie publique etc…Dans les pays étudiés, les responsables politiques continuent à ne voir dans ces programmes qu’une « aide sociale » plutôt que matière à un développement économique sérieux.

5 – Dimensions de genre de la politique sociale dans les pays étudiés à travers le temps

S’il y a un segment de la population que les colons ont exploités, c‘est bien les femmes et les enfants. Le travail de la femme était très rare sauf dans l’agriculture. La récurrence de travaux durs ont poussé les employeurs à recruter les travailleurs masculins beaucoup plus à même de répondre aux attentes. Les femmes restaient au foyer pour prendre soin des enfants procédaient aux cultures traditionnelles.

Après les indépendances, le rôle de la femme est de moins en moins astreint à la sphère domestique. Le taux d’employabilité des femmes a évolué avec le taux de scolarisation. Dans les emplois publiques, l’Etat s’attèle garantir une parité homme/femme. Le code du travail garanti aussi les congés de maternités aux femmes.

6 – Principaux acteurs, idées, intérêts et institutions de politique sociale dans  les pays étudiés

Le principal acteur de l’organisation du travail pendant la période coloniale était l’administration coloniale. C’est elle qui organise le secteur, et défini ses règles. Certes, l’Organisation International du Travail existe depuis la première Guerre mondiale mais ses recommandations étaient toujours ignorées par les colons. Sur le terrain, le vaste projet de ponction humaine et des ressources naturelles a continué. En 1946, la loi Houphouët entraina une suppression tout au moins théorique du travail forcé dans les territoires d’outre-mer.  Dans les colonies françaises, les populations crurent que le moment est venu de prendre un repos bien mérité et pendant un certain temps, ceux-ci se montrèrent retient envers le travail du colon. Pour éviter la paralysie des activités, le service de l’inspection du travail est créé par arrêté du 29 aout 1946.  Mais ce service reste très centralisé (Yaoundé, Libreville, Kinshasa) et effectue très peu de tourné d’inspection dans les régions. Un évènement qui va impacter la question du travail au Cameroun fut la conférence de Brazzaville tenue en février 1944. Cette rencontre sonne le glas d’une pratique reconnue par tous comme inhumaine et condamnable. Les participants ont adopté le principe de la suppression de travail forcé. En plus, l’autre bon point sorti de la conférence de Brazzaville fut le décret du 7 aout 1944 autorisant la constitution libre de syndicats professionnels au Cameroun. Il était temps que les travailleurs camerounais qui, depuis le début de la colonisation était livré à l’arbitraire du colon, sans pouvoir riposter, puisse retrouver un cadre ou il pouvait non seulement partager ses peines mais aussi constituer un bloc pour défendre ses intérêts. Une nouvelle règlementation qui viendra corriger cette situation fut le décret portant code du travail indigène promulgué en 1952. Mais ce code qui apporta incontestablement des améliorations dans les conditions de travail des indigènes mais  ne parvient pas abolir le règne de la loi du plus fort. Car, jusqu’en 1960, certaines de ses disposition parmi les plus importantes étaient encore ignorée par les employeurs et l’administration coloniale.

Après les indépendances, les nouveaux Etats ont réorganisés le secteur du travail  tout en maintenant certaines institutions  comme les syndicats. Les nouveaux codes de travail naissent dans tous les pays étudiés. La protection sociale des populations est essentiellement  axée sur le modèle salarial, prenant singulièrement la forme d’une sécurité sociale des travailleurs. Au Gabon la Caisse Nationale de Sécurité Sociale est créée pendant qu’au Cameroun, c’est la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale. Lorsque la crise sévi, les Etats étudiés crée les organismes destiner à faire la promotion de l’emploi pour tous. Au Cameroun, le Fond National de l’Emploi est crée en 1990. Trois ans plus tard, c’est l’office National de l’Emploi qui est créée au Gabon. Par la suite, il y a eu de nombreuses reforme selon les pays de ses institutions et un renforcement des normes juridiques.

7 – Contraintes, critiques et opportunités d’innovations en politique sociale dans les pays étudiés

Le secteur du travail et du logement ne préoccupe que très peu les puissances qui avaient la charge du Cameroun pendant la période colonial. Dans la mise en œuvre du projet coloniale, le principal défi était le recrutement en quantité la main d’œuvre apte à travail dans les entreprises coloniales. Il faut préciser que les conditions de travail importaient très peu les promoteurs de ces entreprises. Quant au logement, il faut relever que les administrations coloniales s’attelaient principalement à loger les européens. Les politiques de logement des populations indigènes étaient  très évasives.

Les populations locales ont eu droit à un logement et à un travail décent uniquement après les indépendances acquises dans les années 1960. Les codes de travail promulgués dans les pays étudiés permettent d’encadrer et de protéger les travailleurs. Mais dans un contexte économique sous structuré comme ce fut le cas dans ces pays, la précarité des emplois n’est qu’une conséquence logique. Cette situation conjoncturelle prédispose les Etats à des difficultés de financement des projets de construction des logements sociaux. La permanence des contraintes financière n’a permis de fournir les logements décents au plus grand nombre.

[1] Loi N° 46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d’Outre-mer, JOC, 1946.